A l’avenir, l’oeil de l’automobiliste ne sera plus le seul juge de l’état de la route. À bord du véhicule, un autre observateur pourra donner son avis. Fixée sous le pare-brise ou au-dessus du pare-chocs, une caméra repérera les obstacles, même au travers des brouillards les plus opaques, contrôlera en permanence que la voiture ne « mange » pas la ligne blanche et alertera le conducteur en cas de problème.
De la science-fiction ? Pas vraiment. Les « caméras intelligentes » destinées à l’automobile ne relèvent déjà plus du long terme. Plusieurs programmes impliquant Le CEA sont consacrés à leur développement. Et certains d’entre eux ont déjà abouti à la réalisation de prototypes.
Anticiper le choc
Lancé en mars 2002, le projet européen “Save-U” (“Sensors and system Architecture for VulnerablE road Users protection”) est l’un des plus avancés. Coordonné par Faurecia et associant DaimlerChrysler, Volkswagen, Mira et SiemensVDO Automotive, il vise à mettre au point un système de protection des piétons et des cyclistes. «Près de 9000 d’entre eux sont tués par collision chaque année en Europe [ex-Europe des quinze, Ndlr]. L’objectif de Save-U est de développer un dispositif d’alerte capable d’anticiper le choc entre le véhicule et un de ces usagers de la route» , explique Thierry Collette, chef du service Architectures et Conception du List au CEA-Saclay.
Actuellement testé sur le site du Mira (Royaume-Uni), un prototype a été réalisé avec, entre autres, le concours du CEAList. Monté sur le véhicule, il est constitué de deux caméras, l’une dans le visible, l’autre dans l’infrarouge, et d’un réseau de radars. Son principe consiste à calculer en 2 à 3 secondes le déplacement des piétons dans la zone de couverture des capteurs, jusqu’à 30 mètres de distance : leurs positions successives sont repérées sur les images infrarouges et visibles, et ces données sont fusionnées avec les informations des radars (telles que la distance des obstacles et leur vitesse). Save-U identifie ainsi tout piéton présent dans la trajectoire du véhicule et, après analyse de la situation, prévient le conducteur s’il y a risque de collision
Icar donne le juste prix
Pour les constructeurs impliqués, ce programme est pour le moment prospectif, notamment en raison du coût de la caméra infrarouge. Les rares constructeurs qui proposent aujourd’hui l’option vision de nuit (Cadillac, Hummer) le font à perte : vendue 2000 $ (1600 euros), son prix réel tournerait aux alentours de 8000 $ (6600 euros). D’où l’intérêt “d’Icar” (“Infrared camera for car = caméra infrarouge pour l’automobile”). Ce projet européen a pour objectif de mettre au point une caméra infrarouge bon marché, destinée à l’aide à la conduite dans des conditions difficiles, nuit noire ou brouillard intense. Réunissant Cedip, Umicore, Zeiss Optronik, Valeo, le CRF (le Centre de recherche de Fiat, à Turin), il compte parmi ses partenaires le CEA-Léti et Ulis, une filiale de Sofradir, qui commercialise les détecteurs infrarouges inventés au CEA.
Visibilité par tous les temps
«L’idée est de mettre à la disposition du conducteur des informations, par exemple sur un petit écran qu’il consultera ponctuellement et sur lequel il verra la route, la circulation et les obstacles», explique Jean-Luc Tissot, directeur technique et commercial d’Ulis. Développé depuis 2001, Icar fait appel à la technologie des micro-bolomètres, des dispositifs sensibles aux différences d’énergie des ondes infrarouges qu’ils reçoivent. Son détecteur et sa puce ont été mis au point par Ulis et le CEA-Léti. Tandis que Umicore a apporté les optiques en « Gasir », un verre transparent à l’infrarouge bon marché, développé à l’université de Rennes. Bientôt intégré et testé sur une Fiat Multipla au CRF à Turin, Icar sera capable de voir l’état de la route jusqu’à 400 mètres, par tous les temps et sous toutes les conditions d’éclairage !
Est-elle pour autant intelligente ? «Une caméra intelligente doit analyser elle-même la scène qu’elle observe et ne transmettre que les informations les plus pertinentes», précise Thierry Collette. Installée par exemple sur des ponts, elle pourrait filmer l’autoroute et n’envoyer des signaux d’alerte qu’en cas d’accident. Intérêt pour l’employé du centre de contrôle ? Il n’est plus obligé de jongler entre les dizaines de caméras dont il a la charge : il est averti automatiquement dès que l’une d’entre elles détecte un problème.
Le projet Icam
Développé en interne au CEA, le projet « Icam » (« Intelligent Camera ») est consacré à la mise au point de ce type d’équipement. Basé sur la technologie CMOS, Icam a pour objectif la réalisation d’une caméra de 1 cm3 fonctionnant dans le visible, pour moins de 100€ ! Non limité au seul domaine de l’automobile, ce programme vise plus généralement à la conception d’un processeur « reconfigurable », c’est-à-dire d’un système de calculateur monté sur une caméra et utilisable pour des types d’applications très différentes : contrôle d’objets manufacturés, surveillance dans le métro, détection de colis suspects… Toutefois, dans l’attente du premier prototype fin 2005, les chercheurs du CEA vont poursuivre leurs travaux sur des problématiques liées à la sécurité routière. Après ceux de Save-U, ils réfléchissent déjà au développement des algorithmes qui permettront de vérifier que le véhicule ne franchit pas la ligne blanche. La route n’est plus si longue jusqu’à la voiture du futur…