L’industrie automobile mise sur les piles à combustible pour équiper les futurs véhicules à hydrogène. Avec, à la clé, des transports non polluants et exploitant un carburant quasi inépuisable.
L’augmentation de la pollution atmosphérique, mettant en péril aussi bien l’environnement que la santé humaine, et l’épuisement des sources d’énergie fossiles appellent aujourd’hui un renouveau des technologies du transport. Ce renouveau pourrait passer par la pile à combustible.
Un premier prototype
Bien qu’il en existe de nombreux types, celle qui retient le plus l’attention est la pile à membrane échangeuse de protons ou PEMFC (pour Proton exchange membrane fuel cell), avec une puissance de quelques dizaines de kilowatts. En effet, sa basse température de fonctionnement (inférieure à 100°C), son insensibilité au dioxyde de carbone ambiant et sa conception tout solide simplifient la mise au point d’un système industrialisable. C’est cette technologie que le CEA et ses partenaires PSA Peugeot-Citroën, Renault, Air Liquide, Nuvera et Solvay ont choisie pour leur prototype de véhicule à hydrogène, développé sur la base du Partner. Présenté au début de cette année, il possède une autonomie équivalente à celle des véhicules à essence (environ 600kilomètres) et peut atteindre une vitesse de 90 à 100kilomètres à l’heure. « Nous avons réussi à placer les réservoirs à hydrogène [stocké sous 700bars de pression, ndlr] sous le plancher, explique Pierre Serre-Combe, chef du laboratoire Hydrogène et piles à combustible au CEA/Grenoble. Ce véhicule possède donc un encombrement identique à celui des voitures de série. »
Plus de compacité à moindre coût
PSA, mais aussi Renault, Daimler-Chrysler, Toyota… Les industriels de l’automobile ne s’y trompent pas et font de la pile à combustible l’une de leurs priorités. Néanmoins, ils n’envisagent pas de véritable application avant 2010. Pourquoi ? Parce qu’il existe encore de nombreux verrous technologiques à lever. « Le cahier des charges pour l’utilisation de la pile à combustible dans les voitures présente aujourd’hui des difficultés, convient Pierre Serre-Combe. Il faut faire léger, compact et peu coûteux… ». Malgré les progrès de ces dernières années, les coûts doivent en effet être divisés par cent. « Le prix du kilowatt est aujourd’hui de 6000 euros (40000 francs), indique Pierre Serre-Combe. Il faudrait qu’il soit de l’ordre de 50 euros (300 francs). » De ce fait, le chercheur estime que l’emploi de la pile à combustible dans l’automobile nécessitera une rupture technologique. »La mise au point non seulement de nouveaux systèmes mais également de nouveaux matériaux sera indispensable. » Bref, la commercialisation de véhicules à hydrogène pour les particuliers représente un vrai challenge !
En revanche, l’avenir semble plus radieux dans le transport en commun. Le bus de ville constitue en effet le véhicule de choix pour la pile à combustible. En milieu urbain, le silence et le caractère non polluant représentent des atouts majeurs, notamment pour les bus à haut niveau de service. En outre, la longue durée de fonctionnement des bus permet de réduire les coûts d’amortissement. Le fait qu’en fin de journée, ils retournent tous dans un même dépôt (« flotte captive ») facilite la gestion du carburant. Et la pile à combustible autorise des architectures de bus à planchers bas mieux adaptées aux personnes à mobilité réduite (la transmission d’énergie se faisant par câble électrique). Dans ce cadre, le CEA a participé à l’élaboration d’un bus prototype avec Scania, Air Liquide et Nuvera. Présenté au salon Pollutec début décembre 2001, il possède deux piles de 50 kilowatts pour prolonger l’autonomie d’un pack de batteries électriques conventionnelles qui assure la puissance. D’autres constructeurs, comme le Canadien Ballard, ont annoncé la commercialisation de bus à hydrogène dès 2002. Pour Pierre Serre-Combe, c’est dans ces « niches » que la pile à combustible trouvera d’abord des applications, avant « la rupture technologique » qui fera d’elle un produit pour monsieur Tout-le-monde.
« Une vraie gazinière à électricité ». Voilà comment Pierre Serre-Combe présente le groupe électrogène à pile à combustible que son laboratoire a développé. « Il suffit de tourner une vanne pour obtenir du courant, comme vous obtenez de la chaleur avec une véritable gazinière », explique-t-il. Ce petit appareil pèse une dizaine de kilos avec son réservoir, et peut fournir une centaine de watts pendant quelques heures. Aucune de ses parties n’est mobile, ce qui lui assure une robustesse remarquable. Mais il ne s’agit là que d’un prototype, destiné à démontrer la faisabilité du concept. « Ce type d’engin pourra être utilisé dans les milieux hostiles », indique Pierre Serre-Combe. Par les sauveteurs-spéléologues, par exemple, ou pour les recherches sous-marines, pour faire l’économie d’un câble de liaison électrique qui peut coûter plusieurs millions de francs le kilomètre. Sans compter que cette « gazinière » nouvelle génération est silencieuse et n’émet aucun polluant.